
Du lundi 15 au jeudi 18 mai 2023, une délégation de Montpelliérains composée de Michaël Delafosse, maire de Montpellier et président de Montpellier Méditerranée Métropole, de Julie Frêche, conseillère municipale de Montpellier et vice-présidente de Montpellier Méditerranée Métropole déléguée au transport et aux mobilités actives, de Loïc Messner, nouveau directeur général de la société publique locale TaM, de membres de la direction du pôle mobilités, et d’une poignée de journalistes, s’est rendue à Tallinn, capitale de l’Estonie située sur la côte méridionale du golfe de Finlande, où la gratuité des transports urbains au bénéfice de l’ensemble de ses habitants a été instaurée le mardi 1er janvier 2013 à la suite d’une large approbation de cette mesure par seulement 20 % la population locale inscrite sur les listes électorales lors d’un référendum organisé le samedi 24 mars 2012.
A ce jour, la ville de Tallinn, peuplée de 453 864 habitants et d’une superficie de 159,2 km², héberge 41 % de la population vivant en Estonie, un Etat balte de 45 228 km². Elle dispose d’un réseau dense de transport public totalisant 72 lignes de bus, 4 lignes de trolleybus et 4 lignes de tramway. 441 bus, 32 trolleybus et 47 trams circulent aux heures de pointe. Ce réseau est exploité par Tallinna Linnatranspordi Aktsiaselts (TLT).
Le réseau de tramways de Tallinn, équipé de voies à écartement de 1 067 mm, mesure 19,7 km de long et le kilométrage cumulé des quatre lignes actuelles atteint 36,6 km.
Une cinquième ligne de tramway reliant l’Aéroport international de Tallinn, déjà desservi par la ligne 4, au quartier de Kopli, situé au nord-ouest de la ville, déjà desservi par les lignes 1 et 2, doit voir le jour d’ici la fin de l’été 2024. L’itinéraire de cette nouvelle ligne 5 partagera sur la majorité de son parcours des voies ferrées existantes sur lesquelles circulent déjà des rames opérant sur les lignes 4, 2 et 1. Seule une section à double voie de 2,5 km de long en centre-ville de Tallinn, dont la construction a débuté le mardi 7 mars 2023, sera dédiée à cette nouvelle ligne 5 et desservira quatre nouvelles stations dont trois d’entre elles seront implantées dans le quartier du vieux port où une multitude de projets immobiliers sortiront de terre dans les années à venir.
Les travaux de construction de la toute nouvelle section de ligne de 2,5 km engendrent des perturbations aussi bien sur le réseau de bus que sur celui de tramways. Ainsi, depuis le lundi 17 avril et jusqu’ à la mi-septembre 2023, les lignes 2 et 4 de tramway sont interrompues et une ligne 6 a été spécialement créée pour relier le quartier de Tondi au sud à celui de Kopli au nord-ouest. Dans le courant de l’été les itinéraires des lignes 1 et 3 de tramway seront à leur tour impactés et de la mi-septembre à la mi-novembre 2023 les quatre lignes de tramway ne fonctionneront pas.


Images de synthèse montrant à gauche une rame de la gamme Twist du constructeur polonais PESA commandée à 23 exemplaires par la société de transport public de Tallinn (TLT) et à droite une partie de l’aménagement intérieur de cette même rame configuré pour Tallinn. Copyright : TLT et PESA – Avril 2022 et avril 2023
Dans la perspective de la mise en service de la future ligne 5 et de la modernisation du parc roulant de son réseau de tramways, la société de transport public de Tallinn (TLT) a choisi au mois d’avril 2022 le constructeur polonais PESA, à l’issue d’un appel d’offres international, pour s’équiper de 23 nouvelles rames articulées unidirectionnelles à plancher surbaissé intégral de la gamme Twist d’une longueur de 28,56-m pouvant transporter jusqu’ à 309 passagers, dont 65 assis, à une vitesse atteignant les 50 km/h. L’entreprise PESA a été préférée au constructeur espagnol CAF qui a livré au réseau de Tallinn 20 rames articulés unidirectionnelles à plancher surbaissé intégral Urbos AXL numérotées 501 à 520 entre la fin de l’année 2014 et le mois d’avril 2016. La livraison de la première rame Twist PESA est annoncée pour le mois de janvier 2024.
Sur la question de la gratuité des transports urbains à Tallinn, tous ceux qui en bénéficient doivent détenir une carte verte dotée de la fonction sans contact baptisée Smartcard au format carte de crédit acquise au prix de 2 € que chacun d’entre eux devra personnaliser, avant de pouvoir se déplacer librement sur le réseau de transport public, en se rendant sur la page officielle https://tallinn.pilet.ee/personalise afin de compléter trois données essentielles : le numéro figurant au dos de la carte verte sous le code barre, le numéro d’identification au registre de la population de Tallinn et le numéro de la pièce d’identité à présenter en cas de contrôle. Une fois les trois données saisies et avoir accepté les conditions générales, il faut soumettre sa demande. Si cette dernière est acceptée, la Smartcard est activée pour des voyages gratuits illimités. Comme pour une carte de crédit, le titulaire apposera sa signature au verso de la carte à l’endroit prévu à cet effet. Contrairement à un habitant de la métropole de Montpellier en droit de prétendre à la gratuité des transports, l’habitant de Tallinn n’a pas à communiquer une copie de sa photo d’identité, ni la copie d’une pièce d’identité, ni un justificatif de domicile qui surchargent les serveurs informatiques de TaM.
Muni de sa Smartcard le bénéficiaire de la gratuité doit passer celle-ci devant un valideur embarqué à chaque fois qu’il monte à bord d’un bus, d’un trolleybus, d’un tram ou même d’un train de la compagnie ferroviaire Elron dans les limites du territoire de la capitale estonnienne. A Tallinn, la gratuité des transports est étendue à tous les Estoniens de 65 et plus et à tous les étudiants estoniens fréquentant un établissement universitaire estonien. Pour un étudiant étranger, la gratuité des transports est accordée s’il s’est inscrit sur le registre de la population de Tallinn et fréquente un établissement universitaire situé à Tallinn.
Les personnes qui n’ont pas droit aux transports gratuits à Tallinn, parmi lesquelles les touristes, peuvent acquérir une Smartcard à 2 € et la créditer d’un ou plusieurs titres de transport. Elles ont également la possibilité d’acheter en ligne ou aux quelques distributeurs automatiques de titre de transport disponibles, un ou plusieurs tickets affichant un QR Code valables un an à partir de leur émission tant qu’ils n’ont pas été utilisés ou bien encore se servir de leur carte bancaire sans contact comme titre de transport. A l’instar des habitants de Tallinn, les personnes non bénéficiaires de la gratuité doivent valider leur voyage en passant leur Smarcard devant un valideur embarqué, ou en présentant le QR Code de leur titre de transport devant un lecteur de QR Code dédié équipant un valideur embarqué, ou bien encore en passant leur carte bancaire sans contact devant un valideur embarqué idoine. La ou les correspondances dans l’heure de la première validation sont possibles, mais il ne faut pas omettre de valider son titre de transport à chaque montée que ce soit avec une Smartcard, un ticket arborant un QR code ou une carte bancaire.
Au moment de leur départ, les touristes peuvent se dessaisir de leur Smartcard en bon état à la gare ferroviaire principale, au terminal portuaire ou bien encore à l’aéroport international dans un R-Kiosk et obtenir le remboursement des 2 € acquittés au moment de son achat et éventuellement le remboursement jusqu’à concurrence de 20 € des voyages non débités.
Dix ans après l’instauration de la gratuité des transports au profit des habitants de Tallinn force est de constater que cette mesure n’a pas remis en cause la prédominance de la voiture et n’est pas mise en œuvre comme moyen de limitation de la congestion automobile, de plus ils s’est avéré qu’une bonne partie des usagers des transports en commun voyageant gratuitement s’adonne moins à la marche à pied.
A Tallinn, le financement de la gratuité des transports est assuré par des fonds publics nationaux alloués en fonction du nombre d’habitants assujettis à l’impôt sur le revenu. Consécutivement à l’instauration de la gratuité, le nombre de résidents à Tallinn a bondi de 416 000 à 450 000 environ, de sorte que la perte de recettes a été plus que compensée par l’accroissement de la ressource fiscale. Cité dans un rapport sur la gratuité totale des transports collectifs mis en ligne sur le site du Sénat français, Allan Alaküla, chef de la représentation de Tallinn auprès de l’Union européenne, a insisté sur « la concurrence en matière fiscale » entre municipalités estoniennes car l’impôt sur le revenu est lié au lieu de la résidence de la personne. Même s’il ne s’agit donc pas de nouveaux résidents, mais de nouveaux déclarants, Tallinn constitue de ce point de vue un exemple intéressant : financement de la gratuité sur fonds publics nationaux mais au prix d’une iniquité manifeste entre collectivités, d’autant que, le système n’est pas bien intégré avec le réseau péri-urbain.
Info : Edouard Paris