Ce vendredi 25 juin 2021 aurait dû être marqué par de grandes festivités organisées tant à Rennes qu’à Saint-Jacques-de-la-Lande et Cesson-Sévigné, dans le cadre de l’inauguration de la ligne b du métro de Rennes, d’une longueur de 14,1 km, dotée de 15 stations toutes achevées depuis bientôt six mois à quelques détails près et dont le coût, matériel roulant compris, est estimé à 1,342 milliard d’euros, mais les difficultés rencontrées dans la validation des rames CityVal Siemens/Lohr, attribuées soi-disant à la nécessité de faire intervenir des experts internationaux, qui se sont trouvés dans l’impossibilité de se déplacer à Rennes en raison de la crise sanitaire liée à la pandémie de la Covid-19 et de ses variants, ont contraint Nathalie Appéré, maire de Rennes et présidente de Rennes métropole, à devoir annoncer à contrecœur, en conférence de presse du jeudi 8 avril 2021, le report de la cérémonie d’inauguration et de la mise en service commercial de la ligne b de métro au début de l’année 2022, après que Stéphane Bayon de Noyer, directeur du projet chez Siemens Mobility, dont le siège est à Toulouse, l’a informé, tout déconfit, que la technologie du CityVal, la dernière génération de métro automatique, qui représente une première mondiale, nécessitait encore beaucoup d’essais avant validation, avec des mises au point, des modifications, des reprises, le tout sous le contrôle d’organismes externes devant s’assurer que ce mode de transport très innovant soit compatible avec la circulation et le transport de passagers tant en termes de performance, de sûreté et de confort.
Le projet du tout nouveau métro automatique baptisé Neoval, mené conjointement avec la société alsacienne Lohr, qui diffère totalement de la technologie VAL utilisée avec succès sur la ligne a du métro de Rennes depuis mars 2002, a reçu l’appui de Jacques Chirac, alors président de la République française, au mois d’avril 2006.
Fin 2010, bien que Siemens ait également proposé la version modernisée de son métro automatique de type VAL pour répondre à l’appel d’offres lancé par la Communauté d’Agglomération de Rennes le jeudi 2 octobre 2008, les élus de cette collectivité ont préféré porter leur dévolu sur le CityVal Siemens/Lohr, jamais testé au moment de leur décision, convaincus par le fait que 80 % des équipements seraient fabriqués en France, que les rames devaient être assemblées à Duppigheim (Bas-Rhin) (elles seront assemblées en fin de compte à Vienne en Autriche, note du webmestre), et que Rennes, serait avant tout la première ville au monde à étrenner ce nouveau concept de métro automatique franco-allemand.
A titre de comparaison, il s’est écoulé douze années entre le dépôt du brevet du système VAL par le professeur Robert Gabillard et la mise en service commercial de la première ligne de métro automatique de Lille de type VAL inaugurée le lundi 25 avril 1983. Par contre à Rennes, quinze ans après le lancement en fanfare du projet Neoval, dix ans et demi après le choix des élus de la Communauté d’Agglomération de Rennes et quatre ans après la réception du premier doublet CityVal numéroté 51 au garage atelier La Maltière à Saint-Jacques-de-la-Lande, sur les 25 commandés, les Rennaises et Rennais sont toujours dans l’attente de l’ouverture de leur très chère ligne b de métro que les élus avaient dans un premier temps promise pour 2018.
Info : Edouard Paris
C’est fou de faire un investissement aussi pharaonique sans que le système ait été suffisamment testé sur une piste d’essai!
Si j’étais méchant je dirais “ Bien fait pour eux ” mais hélas il n’y a aucune raison de se réjouir, la situation est trop grave et, comme toujours, ce sont les habitants de Rennes et de ses environs qui subiront les conséquences de cette maladie très française qui conduit, sous le prétexte d’innovation, à laisser un chèque en blanc à des irresponsables sans aucun souci de l’argent public.
Ce sont trop souvent les transports publics qui sont les victimes de cette maladie de l’esprit, qui consiste à vouloir périodiquement remplacer une technique éprouvé par une nouveauté qui n’apporte pratiquement rien de plus et amène à de nombreuses déconvenues. A chaque fois des arguments fallacieux, le masquage délibéré d’expériences précédentes insatisfaisantes, l’acharnement de politiques jouant de manière irresponsable avec l’argent public, ont fait imposer des techniques qui n’apportent rien sinon un effet d’annonce.
Il existe des solutions éprouvées, correspondant aux meilleurs résultats d’une équation « qualité de la réponse à un besoin x coût des moyens proposés ». Mais on les écarte avec des arguments souvent mensongers pour des inventions fantaisistes alors qu’il s’agit simplement de répondre à un besoin pour lequel des réponses, maîtrisées en termes de coût d’investissement et d’exploitations se trouvent « sur l’étagère », dans un contexte de mise en concurrence et avec un large choix. Mais bien sûr rien de glorieux, pas moyen de montrer que les Français ont raison contre le monde entier.
Dans le cas de Rennes on peut identifier les acteurs en présence. Outre les politiques qui se sont imprudemment laissé berner dans l’espoir vain d’en retirer une notoriété, il y a leurs conseillers qui n’ont pas cherché à analyser des échecs précédents de ces divers “ moutons à cinq pattes ”, roulement sur pneumatique, rail unique, matériel spécifique rendant dépendant d’un unique constructeur.
Les promoteurs du roulement pneumatique ne signalent jamais le coût de remplacement des pneumatiques à renouveler fréquemment, ni le surplus d’énergie électrique nécessaire par rapport à un roulement fer sur fer, ni l’impact en termes de pollution des micro particules de caoutchouc libérées par les véhicules. A notre époque où le réchauffement climatique s’affirme comme une menace considérable, développer des matériels sur pneu ne va pas dans le sens d’un développement durable.
Evidemment pas question de sanctions à l’encontre de ces irresponsables. Aucune analyse n’a été faite des mécanismes qui permettent de retomber périodiquement dans cet acharnement technologique.
Pour le cas de Rennes il est hélas sans doute trop tard pour arrêter cette folie !
Je comprends votre préférence pour le métro sur fer, mais certains arguments sont un peu exagérés je crois. Par exemple, la consommation d’énergie n’est réellement supérieure que pour une certaine distance parcourue, pas forcément pour un métro urbain où beaucoup d’énergie est consommée pour l’accélération et pas entièrement récupérée à la décélération. Le pneu émet effectivement des particules, mais le roulement fer sur fer également, et ces particules métalliques semblent particulièrement nocives. En outre, avec un tracé aussi sinueux que la ligne B du métro de Rennes (mais ça c’est une autre question), il y aura une usure des rails et des roues dans les virages, comme on le voit sur le tramway de Montpellier, tandis que les pneus prennent bien les virages.
Il y a des métros sur pneus qui marchent très bien: les MP de Paris (mais le système est complexe: en plus des rails et des roues métalliques, il faut ajouter la voie de roulage, les rails latéraux de guidage, les pneus principaux, et les pneus horizontaux), et le VAL classique avec son rail central en béton. Mais l’idée d’utiliser pour un métro rapide la technologie du « tramway sur pneus » type Translohr, alors qu’on voit les Translohr franchir à une vitesse très basse le moindre virage serré, ça m’interroge sur la sécurité du système et le risque de déguidage.
Et le matériel propriétaire, même techniquement satisfaisant, c’est effectivement un risque et un coût supplémentaires, quand les métros classiques sont proposés par de multiples constructeurs. C’est également le cas pour le VAL classique de la ligne A, pour le métro Advanced Rapid Transit (ART) de Bombardier (un véhicule propulsé par un moteur linéaire asynchrone via une plaque métallique fixée au sol), pour ne rien dire de solutions vraiment exotiques comme le monorail suspendu (Schwebebahn) du Wuppertal près de Düsseldorf. Si une technologie s’avère vraiment excellente, d’autres fabricants pourront toujours fabriquer du matériel compatible (les brevets ne durent que 20 ans), mais il est plus fréquent que les technologies innovantes soient finalement abandonnées.