4 février 2023 – Petite histoire des naufragés de la gare de Raucoules-Brossettes au temps des CFD


Mardi 31 janvier 2023, un fin manteau blanc recouvrait la gare de Raucoules-Brossettes (Haute-Loire) du train touristique et historique du Velay-Express, à la suite d’un épisode neigeux des plus rares sur les plateaux du Velay situés entre 750 et plus de 1000 mètres d’altitude.

Au temps des Chemins de Fer Départementaux (CFD), quand la gare de Raucoules-Brossettes (Haute-Loire) était desservie quotidiennement par des trains en provenance et en direction de Lavoûte-sur-Loire à l’ouest, Dunières au nord et Le Cheylard au sud, chaque hiver ou presque les employés des CFD devaient se mesurer aux caprices de la météo. Il ne s’agissait plus alors de respecter les horaires, mais seulement d’assurer quelques passages pour apporter aux riverains le ravitaillement indispensable, qui se résumait quelquefois au charbon et aux médicaments.

Dans un ouvrage rédigé conjointement par Jean Arrivetz et Pascal Bejui intitulé « Les Chemins de Fer du Vivarais », publié au 4e trimestre 1986 par Presses et Editions Ferroviaires, il est relaté en page 37 la petite histoire des naufragés de la gare de Raucoules-Brossettes, dont voici deux extraits :

« Aucun train n’était passé depuis deux jours. Le manteau blanc recouvrait l’immense plateau et, sous le ciel gris, on ne distinguait même plus les formes fantomatiques du Mézenc ou du Meygal. Il faisait très froid et la « burle » mugissait dans les gorges du Lignon, faisant tourbillonner des paillettes étincelantes qui s’amassaient en gros flocons zigzagants. Dans la gare de Raucoules-Brossettes, la mère Colin passait son temps au téléphone, seul lien entre ce hameau perdu et le reste du monde. La manivelle grésillante de l’appareil permettait, de temps à autre, d’entrer en communication avec l’agent spécial de voie unique du Cheylard et avec le chef de gare de Saint-Agrève. C’est ainsi que la mère Colin savait qu’elle n’était pas abandonnée : un train avait pu monter du Cheylard à Saint-Agrève, mais il n’avait pas pu franchir la crête de Devesset, à 1060 m d’altitude, et il avait fallu le rapatrier à Saint-Agrève en attendant que la brigade de la voie dégage le formidable amas poudreux. La sonnerie grêle du téléphone retentit une fois de plus dans le petit bureau de Raucoules et l’agent spécial de voie unique informa la mère Colin que, cet après-midi, la 403 allait essayer de reprendre sa progression en suivant l’horaire approximatif du train 24. »

« … »

« La nuit était déjà venue quand la mère Colin entendit un grand coup de sifflet du côté des fermes de Labrosse. Puis deux lanternes hésitantes percèrent la grisaille, au moment même où la neige recommençait à tomber. C’était le 24, en retard de deux heures sur son horaire théorique depuis Saint-Agrève. Il tirait un wagon pour Montfaucon, et un autre pour Dunières, mais heureusement il n’y avait personne dans la voiture de 3e classe attelée en queue. La tempête reprit si bien qu’il aurait été imprudent d’aller plus loin en pleine nuit. L’équipe, harassée, reprit de l’eau, puis laissa le train à quai, non sans extraire du fourgon un sac de farine pour le restaurant de la gare. La mère Colin en avait vu d’autres. Elle appela le Cheylard et signala : « Train 24 arrivé à Raucoules à 18h03, mais il est impossible d’aller plus loin. Je prends les dispositions. Tâchez d’envoyer demain les cantonniers de Dunières pour dégager sous la Nationale » . Les « dispositions » consistèrent eu une crique de truffoles accompagnée d’une saucisse de couennes, auxquelles les trois roulants, la mère Colin et ses deux fils firent rapidement un sort, tandis que le mécanicien Dugua sortait de sa musette deux bouteilles d’un excellent vin des Ollières. Il n’était pas 20h quand tout le monde alla se coucher, qui dans les chambres, qui sur un matelas amené dans la salle d’attente. Chacun s’endormit bien vite malgré les hurlements de la « burle », en songeant que demain 5h, il faudrait aller faire remonter la pression pour tenter d’atteindre Dunières dans la journée« .

Info : FraPom

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